Calderón
Pier Paolo Pasolini

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Août 1967. Rosaura, 20 ans, se réveille à Madrid un matin, fille de riches industriels franquistes, et ne reconnaît rien du monde qui l’entoure. Est-ce un cauchemar ? Août 1967. Rosaura, 30 ans, se réveille prostituée dans un bidonville de Barcelone et ne reconnaît rien du monde qui l’entoure. Août 1967 Rosaura, 40 ans, se réveille encore… Calderón est une des six «tragédies» de Pasolini. Écrite et remaniée de 1966 à 1973, elle raconte la lutte cauchemardesque de Rosaura avec la réalité délirante de l’Espagne franquiste.
Avec son sens du jeu et de la provocation, l’auteur de Saló réactive les personnages de La vie est un songe de Pedro Calderón de la Barca, convoque la peinture de Velázquez et l’histoire récente de la guerre civile espagnole, et dans une fulgurance baroque dessine le monde occidental, de la dictature franquiste jusqu’à notre capitalisme consumériste.
 
Dans Calderón, tout est la réalité. On passe de rêve en rêve, mais c’est essentiellement un procédé rhétorique. Comme le dit Pasolini dans Pétrole, « il est impossible de passer d’un rêve à un autre rêve ». Ça voudrait dire, pour ce que j’en comprends, que nous ne passons pas d’une illusion à une autre, mais qu’au contraire l’expérience au fur et à mesure nous déniaise. À moins de vouloir rester aveugle ou niais (politiquement, existentiellement). Et peut-être que beaucoup le veulent, ceux que Pablo appelle dans la pièce « les membres normaux ».Donc, ici tout est la réalité, même quand Rosaura croit qu’elle rêve. Comme Sigismond, le protagoniste de La vie est un songe de Pedro Calderón de la Barca, croit qu’il rêve car il ne sait pas qu’il a été endormi et réveillé à dessein.
Voilà donc la bonne nouvelle : si tout est la réalité, les pires dominations matérielles et spirituelles, nos maîtres qui veulent réduire toute parole contraire, certes, mais aussi les rêves, alors l’histoire n’est pas finie. Elle est encore à faire. On retient toujours la version officielle des vainqueurs et on l’appelle « Histoire ». Pourtant Pasolini dans les Lettres luthériennes écrit cette chose si étonnante à première lecture : « c’est ce qu’on ressent qui est réel, ce sont les sentiments qui sont historiques ». Calderón alors, sans être une œuvre d’Histoire, est le portrait historique du  cœur battant des vaincus. Pasolini y rend compte en poète de leur invincible résistance, de leur irréductible existence. Ces vaincus que nous sommes tous, déjà, encore, toujours. Et de façon non-rhétorique cette fois, Calderón rend compte de la puissance qui terrifie les pouvoirs, celle des rêves comme devenirs-révolutionnaires.
 L.G

avec : Jacques Bruckmann, Pedro Cabanas, Paul Camus, Arnaud Chéron, Lazare Gousseau, Alizée Larsimont, Marie Luçon, Jean-Claude Luçon, Arthur Marbaix, Éléna Pérez
 
mise en scène et traduction française : Lazare Gousseau 
dramaturgie : Thibault Taconet
assistanat à la mise en scène :
Nicole Stankiewicz
scénographie : Didier Payen
assistanat à la scénographie :
Chloé Jacqmotte
costumes : Raffaëlle Bloch
habilleuse : Nina Juncker
lumières : Ledicia Garcia
régie lumières : Gauthier Minne
musique et environnement sonore : Raphaël Parseihian
régie son : Paola Pisciottano
régie plateau : Stanislas Drouart
direction technique : Thomas Vanneste
chargés de production et de diffusion : Jean-Yves Picalausa et La Strada
 
production : bf15 asbl, Rideau de Bruxelles, Cave Canem asbl, avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles / Service du théâtre, et du fond d’acteurs de la COCOF
avec le soutien de Wallonie-Bruxelles Théâtre/Danse, Agence officielle de promotion internationale et le soutien de la SACD